Les chevaux ne sont pas toujours des Bisounours

26 février 2024

L’utilité de la « saine agressivité » pour affirmer notre place

Aujourd’hui, je souhaite mettre en lumière une notion fondamentale, applicable non seulement au monde équestre mais aussi à nos interactions quotidiennes : l’idée gestaltiste de « saine agressivité« . Fritz Perls, pionnier de la Gestalt-thérapie, la comparait à l’instinct primal d’un bébé qui pleure et mord pour s’alimenter, illustrant ainsi une force vitale qui nous pousse à « croquer » la vie à pleines dents avec vigueur et passion. Dans nos sociétés contemporaines, le mot « agressivité » est souvent stigmatisé et source de confusion, du fait qu’il est supposé contrevenir à une conduite aimable et bienveillante.

Cependant, l‘agressivité ne sous-entend pas nécessairement un comportement hostile ou destructeur. Dans le contexte de la « saine agressivité », il s’agit davantage d’assumer une posture déterminée pour protéger ce qui compte pour nous : nos besoins, nos droits et notre espace personnel.

Dans le domaine équestre, cette « saine agressivité » est primordiale. Que vous soyez un cavalier novice ou expérimenté, vous devez être capable d’établir votre position, de délimiter vos frontières et de veiller à leur respect par votre cheval. Cela engendre une communication claire et saine, bénéfique à la fois pour vous et votre compagnon équin.

Quant aux professionnels du secteur équestre, ils évoluent dans un environnement exigeant où, sous le prétexte de la passion, ils se voient souvent contraints à des journées interminables, au risque de négliger leur bien-être mental et physique. Néanmoins, en adoptant une « saine agressivité », vous pouvez affirmer votre position, faire respecter vos droits et vos besoins (comme le repos par exemple), et ce, même face à une figure d’autorité.

Une fois la surprise de ce changement de posture passée, cette figure d’autorité pourrait, si elle fait preuve de discernement, percevoir l’avantage qu’un employé exprime ouvertement ses besoins authentiques. Cela peut se traduire par une meilleure anticipation et par conséquent, une réduction des surprises et des arrêts de travail inattendus. (J’ai été cadre dirigeant pendant 15 ans)

Un cheval est un être puissant et instinctif qui répond à l’énergie que nous émettons. Si nous laissons transparaître la peur, l’incertitude ou la passivité, notre cheval, en fonction de son caractère, peut s’imposer rapidement dans cet espace vital que nous avons négligé, et cela, à nos dépens.

En revanche, si nous parvenons à canaliser une énergie ferme et confiante, nous communiquons efficacement notre identité et notre manière d’interagir avec autrui. Cela ne signifie pas que nous devons nous montrer agressifs ou violents, mais que nous devons être clairs et cohérents dans nos actions et nos exigences.

La saine agressivité implique de savoir dire non quand c’est nécessaire, de défendre son espace personnel sans violence, de comprendre et respecter ses propres besoins, et de les communiquer de manière appropriée. C’est une compétence cruciale qui peut transformer nos relations, que ce soit avec nos chevaux ou avec nos semblables.

Un cavalier qui maîtrise sa saine agressivité est non seulement un partenaire plus efficace pour son cheval, mais aussi une personne plus épanouie et confiante dans sa vie quotidienne. N’hésitez donc pas à exprimer vos besoins, à défendre votre espace et à revendiquer votre place. C’est votre droit, et cela peut changer la donne dans votre parcours équestre.

Si vous êtes mal à l’aise avec l’expression « saine agressivité » et que vous la trouvez trop connotée, vous pouvez la remplacer par « affirmation de soi » plus politiquement correcte mais moins adapté selon moi. Pourquoi?

Parce qu’il arrive que, selon l’individu ou le cheval avec qui nous interagissons, nous devions affirmer notre position avec vigueur et puiser en nous une énergie particulière, de cette nature, pour sauvegarder notre espace.

Imaginez que vous vous trouvez dans un pré avec un troupeau de chevaux peu respectueux et un seau de nourriture à la main…

David PIRIOU, thérapeute Gestalt et moniteur d’équitation

Expert en bien-être psychologique des cavaliers