La monitrice au comportement tyrannique

1 juin 2024

Une réflexion sur les méthodes d’enseignement d’hier et d’aujourd’hui

Cette semaine, une vidéo des années 80 montrant une enseignante d’équitation a circulé. Par respect pour cette femme, je choisis de ne pas la partager ici. Il semble que son intention était sincèrement de faire progresser ses élèves, qu’elle aimait probablement beaucoup, même si elle les aimait mal. Combien de cavaliers disent aimer les chevaux, mais les aiment tout aussi mal ? À l’époque, de telles pratiques étaient courantes et généralement peu remises en question.

Aujourd’hui, certains dénoncent ces méthodes, mais j’ai été surpris de constater que de nombreuses personnes les trouvent très satisfaisantes et expriment leur gratitude d’avoir été enseignées de cette manière. Peut-être avez-vous également été frappé par ces commentaires de soutien à la méthode ; moi-même, je l’ai été. En y réfléchissant, cela est tout à fait compréhensible.

J’y vois deux raisons :

Tout d’abord, une réaction compréhensible face à l’extrême opposé actuel, qui prône une bienveillance à tout prix allant parfois jusqu’à la mièvrerie.

Ensuite, cela relève de nos croyances. Si vous croyez qu’« il faut en baver pour apprendre », alors il est normal de trouver ces méthodes acceptables. Il est très difficile de remettre en question ses croyances, car cela revient à remettre en question son identité, sa famille, ses parents et ses éducateurs, qui ont façonné notre perception du monde. Un enfant ne peut pas imaginer que ses parents et les adultes qui prennent soin de lui puissent lui vouloir du mal. Par conséquent, quand un parent ou un enseignant a un comportement inadapté, il n’a d’autre choix que de penser que le problème vient de lui : qu’il est nul, qu’il n’est pas intelligent, qu’il est trop sensible. C’est pour cette raison que même un enfant battu défendra ses parents et reproduira éventuellement le même schéma, afin de rester cohérent avec ses croyances.

Quand on sait cela, il devient hélas extrêmement facile de manipuler un peuple dans son ensemble. C’est pour cette raison que dans les régimes ou organisations tyranniques, le conditionnement est toujours une priorité. L’enjeu est alors d’agir sur les croyances dès l’enfance.

Face aux agressions de l’enseignante, les élèves ont trois possibilités, que l’on peut d’ailleurs, pour certaines, observer dans cette vidéo :

COMBATTRE et se rebeller plus ou moins. Certains développeront alors un ego fort (les mêmes qui viendront éventuellement attaquer ce post dans les commentaires) pour faire face à cette monitrice, créant une armure qu’ils enlèveront peut-être un jour en thérapie.

FUIR. Ils abandonnent l’équitation.

SE FIGER à l’intérieur d’eux-mêmes. Ils se clivent, perdent leurs moyens psychique et physique et deviennent un peu comme des automates, se coupant de leurs émotions et sensations, souffrant en silence et développant des croyances négatives sur eux-mêmes.

Avec mon caractère, si j’avais eu une telle monitrice, je me serais sans doute accroché, essayant de tout faire bien comme elle le disait, mais j’aurais été terrorisé.

Les neurosciences l’ont largement prouvé, on n’enseigne pas à quelqu’un qui a peur, car rien ne rentre. Cela vaut pour les enfants, les adolescents et les adultes, ainsi que pour les chevaux. On ne peut pas enseigner à un cheval effrayé ; on ne fera que le soumettre. Pour enseigner et éduquer, il faut un cadre ferme, juste et clair, mais avant tout, il faut un lien rassurant et sécurisant entre l’élève et le maître. Sans cela, il manquera l’essentiel : la détente. Sans détente, pas de brillant, pas d’articulations souples et déliées, mais une mécanique rigide et contraignante pour l’humain comme pour le cheval, bien qu’elle puisse être efficace.

Avant on avait le cadre sans le lien sécurisant. Aujourd’hui nous avons le lien sans le cadre et surtout sans l’exigence, ce qui est tout aussi insécurisant. A nous de trouver l’équilibre.

David PIRIOU, thérapeute Gestalt et moniteur d’équitation

Expert en bien-être psychologique des cavaliers