Critique et estime de soi : un miroir de nos fragilités
- Les origines de la critique et les raisons de critiquer
On critique:
- Pour exprimer une souffrance personnelle. La critique est souvent le reflet d’une souffrance intérieure. Lorsque nous traversons des moments difficiles, nous pouvons être tentés de projeter notre mal-être sur les autres. Cette démarche peut temporairement alléger notre douleur, surtout quand nous envions ce que d’autres osent faire mais que nous n’osons pas tenter nous-mêmes. Lorsque vous allez bien, vous êtes dans votre zone de créativité et vous avez généralement autre chose à faire que de critiquer les autres. Vous êtes plutôt en train de vous instruire, de vous ressourcer ou de travailler avec votre cheval ou de passer du temps avec des personnes que vous appréciez, vous n’avez pas le temps de critiquer sur les réseaux…
- Pour créer un lien social. Étrangement, la critique peut aussi unir. Que ce soit dans les écuries ou sur les réseaux sociaux, elle peut donner naissance à des alliances autour de points de vue communs. Les échanges autour de ces opinions renforcent les liens au sein de groupes, qu’il s’agisse de défenseurs de l’équitation traditionnelle ou de l’équitation naturelle. Partager une critique commune peut fortifier un sentiment d’appartenance et sert souvent de moyen de connexion. Psychologiquement, cela s’apparente à la stratégie de l’ennemi commun : en identifiant un ennemi partagé, les liens se renforcent.
- Pour marquer une différence de valeurs. Chacun de nous a ses propres valeurs qui influencent sa manière de voir le monde. Lorsque nos valeurs ne s’accordent pas avec celles des autres, notamment sur des sujets délicats comme le bien-être animal face à la performance en compétition, les critiques peuvent devenir plus intenses. Ainsi, vos critiques peuvent exprimer un désaccord profond avec les pratiques que vous observez, servant parfois à pousser les autres à adopter des comportements plus alignés avec vos propres idéaux. C’est le même mécanisme qui nous pousse à vouloir que notre partenaire change et à ne pas nous sentir heureux tant qu’il ne répond pas à nos attentes. Quand vous critiquez, c’est l’enfant en vous qui cherche à façonner le monde à son image pour être enfin en paix.
- La sensibilité du cavalier à la critique
Votre sensibilité à la critique est directement liée à votre estime de soi.
L’estime de soi représente la perception de notre valeur personnelle, qui peut être plus ou moins fluctuante tout au long de la vie en fonction de nos réussites et de nos échecs. Elle se construit au fil de la vie en fonction de vos expériences et de vos relations, mais les bases de celle-ci, pour qu’elle soit saine, sont largement établies dans votre enfance et très largement par le regard que votre père (ou une figure paternelle) posait sur vous ainsi que par les paroles qu’il vous adressait.
L’estime de soi fluctue et elle doit donc être distinguée de l’amour que l’on se porte, lequel, pour se sentir épanoui, doit être stable et inconditionnel, quels que soient les événements et la critique. Plus votre estime de soi est faible, plus vous allez être dépendant de l’approbation et de la validation extérieure, en plus d’être vulnérable à la critique. Plus vous allez être dépendant et prisonnier de votre statut social et/ou de votre métier car sans lui et cette reconnaissance sociale, vous croyez ne plus avoir de valeur auprès des gens. Plus vous prenez la critique comme une attaque personnelle, ce qui renforce vos doutes et votre sécurité intérieure, vous plaçant en détresse émotionnelle.
Les cavaliers avec une estime de soi saine et élevée sont mieux équipés pour faire face à la critique. Ils la voient plus facilement comme une occasion d’apprentissage sans que cela n’affecte de manière disproportionnée leur perception de soi et surtout l’amour qu’ils se portent. Ils sont aussi capables de ne pas prendre une critique qui ne serait pas juste et ne la laisseront pas « entrer » en eux et continueront simplement sans être déstabilisés. Ils sont capables de reconnaître leurs faiblesses et leurs imperfections sans se dévaloriser. Ils sont forts et dignes avec leurs vulnérabilités et faiblesses. Ils ne cherchent pas à avoir raison. Ils ne cherchent pas à con-Vaincre que leur équitation est meilleure que celle de l’autre.
Avec l’attachement et la sécurité intérieure, l’estime de soi est l’un des grands thèmes que je travaille avec les cavaliers que j’accompagne. Je les aide à comprendre comment s’est façonné le regard critique qu’ils portent sur eux-mêmes et les fausses croyances qu’il implique.
- Réaction à la critique
« Cette robe ne te va pas, elle te boudine. » Comment réagiriez-vous face à cette critique ?
Les réactions d’une personne à une critique peuvent varier grandement selon sa relation avec la personne qui fait la critique, et le contexte de la conversation, mais voici quatre réactions probables (il peut y avoir un mix) dans le cas où une femme dirait à une autre que sa robe ne lui va pas :
Estime de soi fragile :
- Réaction défensive : Vous vous sentez attaquée et vivez cela comme un affront, vous allez donc réagir de manière défensive et combattre. Vous répliquez avec des mots comme « Je ne pense pas que ce soit vrai, elle me va très bien », ou même envisager de retourner la critique en pensant : « Tu as vu comment tu es habillée toi ? » Puis votre masque social va plus ou moins gérer la situation et moduler (ou pas) vos paroles, mais votre langage non verbal vous trahira. Puis vous ruminez pendant 5 jours.
- Absence de réaction : Vous vous sentez blessée et vous croyez la critique, ce qui alimente les croyances négatives sur vous-même : « Je ne sais pas m’habiller, je suis moche,… » Vous ne dites rien, vous avez envie de vous cacher et vous allez mettre un pantalon. Puis vous ruminez pendant 3 jours.
Estime de soi saine :
- Indifférence : Vous choisissez d’ignorer la critique, soit parce que vous n’accordez pas d’importance à l’opinion de l’autre personne, soit parce que vous ne voulez pas engager de conflit pour ne pas dépenser d’énergie inutile. Vous pourriez dire quelque chose comme : « Ce que tu me dis n’est pas agréable, mais chacun ses goûts, moi je me sens bien dedans, elle me plaît ! ». Et vous continuez votre vie…
- Acceptation réfléchie : Une autre possibilité est que vous preniez la critique de manière constructive, surtout si elle vient d’un ami proche ou d’un membre de la famille dont l’opinion est généralement respectée. Vous allez peut-être répondre par quelque chose comme : « Oh, tu trouves ? Peut-être que je devrais essayer une autre robe alors. Merci de me l’avoir dit. » Et vous continuez votre vie…
Soyez à l’écoute de vos sensations et de vos émotions. Avec les chevaux le chemin consiste à retirer ses masques sociaux pour vivre de manière authentique et être congruent. Face à cette critique, vous pourriez vous dire mentalement que cela ne vous touche pas, alors que c’est le cas et que vous ne vous l’avouez pas. Vous êtes alors dans le contrôle émotionnel, qui nécessite de se couper de soi-même et donc des autres. Cela est très différent de la régulation émotionnelle que j’enseigne aux cavaliers que j’accompagne.
David PIRIOU, thérapeute Gestalt et moniteur d’équitation
Expert en bien-être psychologique des cavaliers