« Gentil, ce n’est pas un métier »

21 janvier 2025

« Au-delà de la gentillesse : l’importance des limites et de l’authenticité »

J’avais environ 23 ans. J’apprenais alors mon métier d’orthoprothésiste et je commençais à trouver ma place, soutenu par le regard bienveillant de mon mentor. Un jour, il a demandé à une ergothérapeute, avec qui je travaillais dans un centre pour enfants en situation de handicap, comment les choses se passaient avec moi. Elle a répondu :

« Ça se passe très bien, David, il est gentil. »

Mon mentor l’a aussitôt interrompue :

« Gentil, ce n’est pas un métier. »

Et il avait raison.

Dans de nombreuses institutions sanitaires et sociales et dans beaucoup d’entreprises, être « gentil » est souvent valorisé. À tel point qu’on semble s’en contenter, même lorsque la compétence fait défaut. Mais cette « gentillesse » repose bien souvent sur une posture sacrificielle (c’était mon cas) : celle où l’on met de côté ses propres besoins pour plaire ou éviter les conflits qui sont alors larvés en permanence, créant une ambiance délétère.

C’est cette confusion entre sacrifice et gentillesse qui pose problème. Et cette attitude, je la retrouve souvent chez les cavaliers dans leur relation avec leurs chevaux. Ils évitent de poser des limites claires, pensant que cela les rendra plus « doux » ou plus « aimants ».

Arrêtez d’être seulement gentils.

Arrêtons de prétendre que cette « gentillesse » est de l’altruisme pur. La véritable bonté, celle qui émane d’une force intérieure, existe, bien sûr.

Mais ce dont je parle ici, c’est cette fausse bienveillance, motivée par la peur : peur du rejet, peur de ne pas être aimé, peur de déplaire. Et à quel prix ? Plus on porte ce masque, plus on s’éloigne de soi-même et les chevaux détestent cela.

Beaucoup sont « gentils » avec leurs chevaux – et avec les humains. Ils évitent de poser des limites claires, confondant autorité et dureté. Pourtant, poser un cadre, c’est être honnête. C’est respecter l’autre autant que soi-même. Dire « non » ne fait pas de vous une personne égoïste ; c’est au contraire le socle d’une posture saine.

Ces comportements découlent souvent de blessures profondes et de schémas acquis dans un environnement où il fallait se faire petit pour se faire une petite place. Peut-être avez-vous grandi en croyant que poser des limites ou exprimer une insatisfaction vous rendrait inacceptable? C’était peut-être une logique de survie dans ce contexte. Mais ce qui fonctionnait hier ne fonctionne plus aujourd’hui.

Pour avancer, il faut oser.

Oser passer par une phase de transition. Une phase qui peut sembler chaotique, mais qui est nécessaire pour retrouver votre souveraineté personnelle. Oui, au début, poser des limites peut sembler égoïste. Mais ce n’est pas de l’égoïsme. C’est un apprentissage.

La clé n’est pas de basculer d’un extrême à l’autre – de l’abnégation totale au repli sur soi. Il s’agit d’apprendre à naviguer dans les nuances, à équilibrer vos besoins et ceux des autres, et à construire des relations authentiques. Cela demande du travail sur soi, mais le jeu en vaut la chandelle.

Alors, arrêtez d’être « gentils ». Soyez alignés avec vous-mêmes. C’est là que réside la véritable force.

David PIRIOU, thérapeute Gestalt et moniteur d’équitation

Expert en bien-être psychologique des cavaliers