Le syndrome du cavalier « éveillé »

8 novembre 2023

Au-delà de l’éveil : promouvoir l’inspiration plutôt que la division

Il y actuellement une tendance, amplifiée par les réseaux sociaux, qui se cristallise et s’étend comme un voile sur la conscience collective de divers groupes militants et sur celle d’individus animés d’un esprit de justicier . Qu’il s’agisse d’écologistes, de défenseurs des droits des animaux ou de toute autre cause politique ou sociétale, nous assistons à la quête d’un idéal imaginé et fantasmé dont le wokisme est le symbole le plus parlant puisqu’il signifie littéralement « être éveillé ».

Nombre d’individus, animés par un désir de changement, s’auto-proclament « éveillés », se démarquant de ceux qu’ils considèrent comme endormis ou ignorants des enjeux fondamentaux, à travers le prisme de leur propre vérité. Cette posture révèle une inclination presque enfantine à vouloir modeler l’environnement à son image pour limiter sa propre souffrance interne face à l’injustice ou à l’incohérence du monde en faisant fi de la diversité infinie des réalités individuelles.

Dans le monde équestre, cette polarisation acquiert une nuance particulière, clivant la communauté entre traditionalistes, adeptes du « mors, de la muserolle et des fers », et les partisans d’une approche perçue comme plus consciente et respectueuse, rejetant ces instruments au nom du bien-être animal. Les premiers subissent des accusations de maltraitance, tandis que les seconds se posent en défenseur de la vertu, dénonçant et critiquant sans cesse les individus n’ayant pas la même pratique.

Or, il est important de se rappeler que les gens en colère sont rarement inspirants. La colère éloigne de l’éveil véritable, car elle ferme le dialogue et propage la division plutôt que la compréhension.

Des figures comme Gregory Cottard, par leurs réussites et leur approche positive, ont souvent un impact bien plus significatif qu’une vidéo virale dénonçant un comportement ou une action inappropriés. Une telle dénonciation en blessant des cavaliers qui agissent selon leur niveau de conscience et leur niveau de compétence du moment sera souvent contre productive car généralement elle enfermera la personne dans ses schémas par simple opposition.

De plus, de nombreux cavaliers spectateurs de ces scènes sur les réseaux sont en incapacités d’avoir une vision d’ensemble de leur équitation et de leur progression. La conséquence est fâcheuse, puisque par peur de se retrouver jugés et souhaitant bien sûr être dans « le camp du bien », ils se retrouvent trop souvent à adopter des méthodes dont ils ne maîtrisent pas les tenants et les aboutissants et qui deviennent tout aussi préjudiciables pour leur cheval sur le moyen et long terme. Souvenez-vous « l’enfer est pavé de bonnes intentions ».

Cette dichotomie souligne une tendance humaine profonde à diviser le monde en absolus : le bien contre le mal, les éclairés contre les endormis. Ce faisant, elle occulte la richesse des nuances et la complexité des vérités multiples. Les « éveillés » de chaque cause, poussés par de nobles intentions, peuvent néanmoins dériver vers un zèle qui confine à l’autoritarisme, rappelant la mise en garde d’Orwell : « L’utopie contient la graine du totalitarisme. »

L’utopie, la vision d’une société idéale, porte en elle le risque de devenir oppressive, d’occulter l’individualité et la diversité des convictions. Dans l’art équestre, comme dans tout domaine, la quête d’une harmonie absolue peut dégénérer en intolérance face à la divergence d’opinions.

Il me paraît donc intéressant d’envisager que l’inspiration surpasse la dénonciation. Progresser par la douceur et l’ouverture d’esprit, par des actions positives et formatrices, se révèle souvent plus fructueux que le jugement sévère. Éveiller les consciences ne doit pas devenir une imposition, mais une invitation à percevoir le monde sous un jour nouveau, sans déprécier l’expérience et le savoir de l’autre.

J’invite donc les cavaliers à éviter le piège de l’autosatisfaction et du dogme, en faveur d’un dialogue constructif, d’un échange empreint d’écoute et de respect mutuel. Reconnaître que l’éveil authentique est un voyage tant personnel que collectif, qui se nourrit de la variété des parcours, est la marque d’une conscience réel.

À vous de choisir où diriger votre énergie : désirez-vous inspirer, innover, ou lutter contre les systèmes en place ?

Lutter contre quelque chose peut indéniablement engendrer des résultats positifs, et je me réjouis à chaque fois que la condition d’un cheval est améliorée, ne serait-ce que le temps d’une compétition. Cependant, se focaliser uniquement sur les problèmes visibles, tels qu’une muserolle trop serrée, ne nous permet pas d’adresser les enjeux bien plus profonds qui se jouent dans l’intimité des écuries.

Je pense simplement qu’il est souvent plus épanouissant et probablement plus efficace pour la cause de créer de nouvelles voies et d’inspirer.

Réfléchissez aux entraîneurs de renom qui vous inspirent. Croyez-vous qu’ils consacrent leur temps à combattre les pratiques établies, ou à forger et établir de nouvelles normes d’excellence dans leur art ?

David PIRIOU, thérapeute Gestalt et moniteur d’équitation

Expert en bien-être psychologique des cavaliers