Ma jument a dit « stop »

14 juillet 2023

Comprendre et respecter les signaux du cheval

Kloée est une jument de 25 ans. C’est une Trotteur arabe qui a fait une carrière nationale en endurance avec ma compagne. C’est une jument énergique, douce et très respectueuse avec qui je pratique la médiation animale sans soucis, mais ce jour-là, elle a dit : « Non, ça ne me convient pas ». Elle vit avec nous depuis plus de 15 ans, et je ne l’ai jamais vu avoir la moindre agressivité envers un humain. J’ai vraiment confiance en elle.

Il y a quelques semaines, j’accueillais un groupe pour une séance d’équicoaching. Chaque membre passait en individuel le matin, puis en groupe l’après-midi. Dans ma pratique, le cheval est en liberté dans la carrière, et les participants doivent suivre un processus précis pour essayer d’établir une relation de confiance avec lui.

Le matin, en individuel, tout s’est très bien passé, et mes chevaux ont fait leur travail avec plaisir. Les participants étaient attentifs et engagés. Mais l’après-midi, ils étaient cinq au milieu de la carrière avec KLoée, et cela a été beaucoup plus compliqué. La dynamique de groupe a mis du temps à se mettre en place, et le message collectif envoyé à la jument n’était pas clair. Au bout de 40 minutes, elle leur a tourné le dos et les a ignorés. Ils ont insisté, et le moment est venu où elle a dit : « Non, ça ne me convient plus/pas ».

Comment leur a-t-elle fait comprendre cela ?

Elle a levé son postérieur droit de 20 cm. Elle l’a levé doucement, sans agressivité, presque avec un « s’il vous plaît » poli, mais elle a envoyé un signal clair qu’il était temps de s’adresser à elle autrement. Je n’étais pas inquiet mais j’ai entendu puis écouté son message. J’ai donc mis fin à la séance et j’ai présenté cela comme une leçon pédagogique, car c’en était une. Lorsque le message n’est pas clair, la relation ne peut pas s’établir. Les participants ont tous compris, et j’ai ramené la jument dans son pré.

Il y a quelques années, j’aurais peut-être réagi différemment, trouvant ce geste inacceptable, mais non, là en fait, je me suis réjoui. Je me suis réjoui que Kloée se sente autorisée à dire : « Non, vraiment, ça ne me convient pas ».

Andy Booth dit souvent que le cheval doit pouvoir gagner. J’ose aller plus loin et je me demande : Ne devrions-nous pas ACCEPTER que parfois notre cheval puisse nous dire non, respectueusement ! « Non, tu n’es pas clair, demande-moi autrement ». N’est-ce pas là le véritable changement de paradigme que nous devons collectivement adopter ? Prenez-vous conscience du changement intérieur que ce nouveau positionnement nécessite ?

N’est-ce pas ce que nous ferions avec un ami ? Lui laisser la possibilité de dire NON et surtout qu’il se sente autorisé à le faire. Hors il me semble que l’immense majorité des cavaliers considère leur cheval comme un ami.

MAIS si il peut vous dire non, la réciproque est vrai, vous pouvez lui dire non. Car comme toute les voies de sagesse et l’art équestre en est une, tout est histoire de nuances et d’apparentes contradictions mais en apparence seulement.

Et vous, comment le vivez-vous lorsque vous recevez un « non » de la part d’un cheval, d’un adulte ou bien encore d’un enfant?

Je vous invite à méditer sur cette question. Elle est plus profonde qu’elle n’y paraît, et votre réponse en dit beaucoup sur votre état d’esprit.

David PIRIOU, thérapeute Gestalt et moniteur d’équitation

Expert en bien-être psychologique des cavaliers