Quand l’anxiété de l’humain rencontre celle du poulain devenu cheval

11 mars 2024

Du poulain à l’adulte : l’influence des premiers liens sur l’anxiété équine et humaine

Fort des enseignements tirés des écrits de Ethology Lea Lansade (Dans la tête d’un cheval, ed. humenSciences) sur le sevrage du poulain et de vos retours d’expériences avec vos poulains, et enrichi par mon expérience auprès de centaines d’individus, accompagnés tantôt seuls, tantôt en présence de chevaux, je me lance dans une quête de compréhension croisée entre la psychologie humaine et équine.

L’anxiété est un sujet bien connu chez les chevaux, mais elle est bien plus prononcée chez certains individus, et il semble qu’il y ait un lien fort avec les conditions de sevrage.

L’anxiété chez l’humain est aussi quelque chose d’extrêmement répandu. Elle a quatre causes principales :

  • Facteurs génétiques
  • Facteurs biochimiques
  • Facteurs environnementaux
  • La consommation de produits : alcool, tabac, drogues
  • La qualité du lien d’attachement créé avec la mère dans l’enfance

Je m’intéresserai ici à ce dernier sujet : la qualité du lien d’attachement. La théorie de l’attachement, très bien documentée, étudie les liens émotionnels entre un enfant et sa mère. Elle souligne l’importance de la réponse instinctive maternelle, ainsi que de sa présence rassurante et de son calme, pour le bien-être émotionnel de l’enfant et de l’adulte en devenir.

Ces expériences d’attachement initiales sont cruciales pour le développement de la capacité de l’individu à nouer des relations affectives équilibrées, à gérer l’anxiété, et à éprouver un sentiment de sécurité intérieure.

De manière analogue, un poulain privé de ces interactions fondamentales, par un sevrage prématuré ou des conditions de vie inappropriées, peut manifester des troubles d’attachement étonnamment similaires à ceux observés chez l’humain. Ces perturbations se traduisent souvent par une méfiance, un sentiment d’insécurité marqué (grégarité marquée) et des difficultés d’adaptation à l’environnement, compromettant sérieusement la capacité du cheval adulte à établir des relations saines avec ses congénères et une relation de confiance et de coopération avec les humains, le rendant particulièrement anxieux. Bien que ce ne soit pas l’unique facteur, il semble que son influence soit significative. Le concept de « bonne mère » pour qualifier une poulinière attentive est d’ailleurs régulièrement utilisé.

Dans cette perspective, la dynamique entre un être humain anxieux, possédant un système nerveux potentiellement hyperactif sans en être forcément conscient, et un cheval, naturellement en quête d’un calme et d’une tranquillité encore plus poussés en raison de sa propre histoire et de ses blessures, explique, du moins en partie, un grand nombres de difficultés rencontrées par certains duos humain/cheval.

Face à un cheval anxieux, le cavalier doit avant tout incarner un calme intérieur, visible et invisible, pour apaiser le système nerveux du cheval, s’efforçant de comprendre et de répondre aux besoins émotionnels spécifiques de l’animal. Cette démarche exige de la sensibilité et la capacité à créer un lien empathique, combinant la fermeté nécessaire à la gestion d’un cheval et la douceur essentielle pour obtenir sa confiance et son respect.

Dans ce contexte, la nécessité pour le cavalier de guérir ses propres blessures d’attachement pourrait être un préalable à toute acquisition de savoir-faire. Une introspection et un travail personnel sont alors riches d’enseignements pour surmonter ses propres insécurités et offrir au cheval une relation basée sur la compréhension mutuelle et l’empathie.

Ainsi, la convergence des troubles d’attachement chez l’humain et le poulain, loin d’être une coïncidence, met en évidence une interdépendance profonde entre nos sphères émotionnelles. Elle nous rappelle que la clé d’une relation équilibrée et saine avec nos compagnons équins repose sur notre propre capacité à guérir, à croître et à évoluer. C’est dans cet équilibre subtil entre autorité et douceur, force et vulnérabilité, que réside le véritable art de l’équitation et, par extension, de toute relation interespèces authentique et profonde.

David PIRIOU, thérapeute Gestalt et moniteur d’équitation

Expert en bien-être psychologique des cavaliers